Travailler sur iPad v1.0 - juin 2017

L'iPad existe depuis 5 ou 6 ans au moment où je rédige cet article, et j'ai eu 4 versions différentes de la tablette depuis son lancement. À chaque fois, je suis émerveillé au départ par les possibilités, puis je finis par être frustré qu'elle ne soit au final qu'un gros iPhone amélioré. 

Cette fois ci semble être la bonne cependant, car après avoir sorti un iPad Pro avec clavier et pencil l'an dernier, la prochaine mise à jour d'iOS semble enfin faire de l'iPad un petit ordinateur plutôt qu'un gros téléphone, et devrait rendre plus viable de n'avoir qu'un iPad en complément d'un gros iMac à la maison.

J'en suis à ma seconde tentative et si tout est loin d'être parfait pour mon métier, l'avenir est prometteur et j'espère que la situation va rapidement s'améliorer pour me permettre de n'avoir qu'un iPad Pro en déplacement, tout en continuant à travailler sur mon iMac à la maison. 

Pourquoi cette combinaison? 

Je suis photographe, et du coup j'ai besoin à la fois de puissance et de portabilité. Une partie de mon métier implique des déplacements, soit à Paris en vélo ou voiture, soit dans d'autres villes en voiture ou en train, soit à l'étranger en avion, mais dans tous les cas la place est relativement limitée et j'essaie d'alléger au maximum le poids et l'encombrement de ce que je dois transporter.

J'ai déjà allégé énormément le matériel en passant à Fuji, le poids et l'encombrement de mes appareils ont été divisés par deux. En réduisant la quantité de matériel que je possède, j'ai passé une seconde étape dans ce domaine, puisqu'en ayant moins d'options, on est automatiquement moins encombré car moins tenté d'emmener toutes les combinaisons possibles au cas où. J'ai gagné une place étonnante en passant tous mes chargeurs sur des modèles USB, ils sont systématiquement plus petits, les cables sont moins encombrants, et le fait de n'avoir qu'un gros chargeur multiprise USB qui remplace la multiprise gigantesque que je transportais jusque là m'a permis de réduire leur encombrement de deux tiers. Ils tiennent désormais tous dans une petite pochette plate et peu encombrante.

Au milieu de tout ça, l'ordinateur portable fait tâche. J'ai un besoin récurrent mais pas permanent de puissance, donc ça me condamne au MacBook Pro 15 pouces. Plus le plus gros chargeur de la gamme Apple, qui prend à lui tout seul autant de place que tous les autres chargeurs réunis, et dans sa version française ne rentre nulle part facilement dans mon sac.

L'iPad, avec son encombrement très réduit, son poids plume, sa recharge par USB, serait l'appareil idéal comme ordinateur d'appoint en complément de mon iMac surpuissant sur lequel je peux faire tout ce qui requiert de la patate, y compris à distance depuis l'iPad, et faire de la retouche de légère à avancée, puisqu'Apple le vend quand même avec un stylet qui le destine aux créatifs de ma trempe.

Mais est-ce que l’iPad Pro s’intègre bien dans mon workflow? C’est ce que nous allons voir à travers chaque problématique à laquelle je suis confronté au cours d’une semaine type. 

Sur le terrain: Prise de vue et sauvegarde des données 

Le gros de mon travail (la partie importante tout du moins, tout le monde sait que quand on gère son entreprise, le cœur de métier représente 20% du travail total) reste la prise de vue sur le terrain, et la sauvegarde des données avant tout déplacement. 

Pour la sauvegarde, mes appareils sont équipés de deux lecteurs de carte SD qui me servent à dupliquer les photos en cas de souci avec une des cartes mémoire (c’est rare mais ça arrive). Je renouvelle mes cartes tous les ans pour limiter les risques de défaillance, je les sépare après le shooting (une reste dans le sac avec l’appareil photo, l’autre est dans un porte carte attaché à mon pantalon et conservé dans ma poche), et je fais selon les reportages une sauvegarde supplémentaire sur disque dur avant de partir. Cette sauvegarde implique un ordinateur et un disque supplémentaire, que j’ai essayé de remplacer par un iPad Pro 256 Go. 

Première déception, l’iPad sous iOS 10 ne reconnaît pas les fichiers RAW de mon Fuji XT2 (espérons qu’iOS 11 corrige le souci) . Il importe cependant les fichiers qui restent importables par la suite dans Lightroom (iPad ou Mac) sans aucun souci.

Secone déception, mon iPad Pro 9,7 pouces plafonne en USB 2.0 avec le lecteur de cartes mémoire, donc le temps d’importation pour une carte de 32 Go est horriblement long. On peut cependant y pallier par le fait qu’il est plus facile d’importer les fichiers dans la voiture, sur le chemin du retour, avec un iPad qu’avec un ordinateur. Le nouvel iPad Pro 10,5 pouces est cependant USB 3.0 en plus d’offrir 512 Go de stockage, ce qui devrait corriger ce souci à l’avenir.

Pour ce qui est du tethering, sur des prestations où je fais un stand photo avec impression en direct, l’iPad ne fonctionne tout simplement pas. Il n’y a aucun moyen simple d’importer les photos en temps réel, de les retoucher, et de les imprimer, et en bonus mon imprimante photo DNP recquiert des pilotes spécifiques qui n’existent tout simplement pas sur iPad, donc je suis coincé avec un MacBook Pro.

En revanche, les photos importées peuvent être passées sous Lightroom iOS et triés/légèrement retouchées dans l’iPad, même si c’est extrèmement long. 

Mon espoir: qu’iOS 11 permette enfin d’importer directement les photos dans Lightroom sans passer par Photos. Ou qu’Apple réalise enfin que stopper Aperture  était une erreur monumentale, parce que ce logiciel était LA killer app qui aurait donné toute sa légitimité à l’iPad Pro auprès des photographes du monde entier, et le relance sérieusement (Photos a l’essentiel des fonctionnalités de base qu’un pro utilise au quotidien, il lui manque surtout des fonctions de classement plus évoluées qu’un simple cœur pour marquer les photos retenues).

La retouche 

Bilan mitigé sur ce point, puisque Lightroom est une application un peu batarde sur iPad: étonnamment puissante mais avec une interface mal fichue, l’importation de fichiers est une vraie misère, mais si on transite par un ordinateur et qu’on prépare bien le terrain, il est tout à fait possible de retoucher sérieusement des photos sur son iPad. 

Pour démarrer, l’importation se fait sur l’ordinateur, de même que le traitement basique (un filtre appliqué par défaut à toutes les photos qui servira de base aux retouches). On peut ensuite synchroniser tout l’album avec l’iPad et y accéder facilement dessus.

Sur ce point, l’iPad est extrèmement bon pour le tri, très rapide, et les possibilités de retouche sont étonnamment larges. Il est cependant dommage que Lightroom iOS ne synchronise pas les pré-réglages de l’utilisateur et ne propose que quelques filtres très basiques et franchement laids. 

Mais pour peu qu’on prépare bien le terrain sur l’ordinateur, Lightroom sur iPad est étonnamment puissant, et j’ai bon espoir qu’avec les nouveaux iPad très puissants et la nouvelle version d’iOS qui arrive et semble enfin taillée pour en faire plus qu’un gros téléphone, Adobe se donne enfin les moyens d’avoir une application iPad qui peut être vraiment autonome.

L’export et l’envoi des fichiers 

Rien à faire sur ce point, un ordinateur est indispensable, que ce soit pour exporter, compresser envoyer sur galerie ou wetransfer, créer une clef USB. Là encore, le système de fichier d’iOS 11 me laisse un espoir d’amélioration à court terme, à voir.

La communication  et la gestion de la société

On arrive sur les domaines où l’iPad Pro brille. Tout ce qui est communication sur les réseaux sociaux fonctionne parfaitement, les différentes applications étant taillées sur mesure pour la tablette et souvent meilleures que les interfaces web sur ordinateur. Comme toujours, le gros du travail se prépare sur l’ordinateur, mais Safari iPad devient suffisamment puissant pour gérer la plupart des cas de figure de la configuration des différents services qu’on utilise. 

  • Site web: WordPress fonctionne globalement via l’interface web si on a un thème un peu complexe, mais l’application iPad est très moyenne. J’ai donc switché vers Squarespace, qui non content d’être infiniment plus simple à configurer et gérer, propose également 3 applications qui me sont devenues indispensables : un éditeur de blog très bien fichu, un lecteur de statistiques, et une application qui synchronise mes portfolios en ligne avec mon iPad, ce qui m’évite de devoir tout gérer en double. De ce point de vue, l’iPad est parfait, et cet article est 100% rédigé dessus.

  • Mailing lists: l’application MailChimp existe mais est assez limitée, le gros du travail devant se faire sur ordinateur, la version iPad gère essentiellement l’envoi des mailings préparés à l’avance et les statistiques. Je cherche mieux, et compatible avec Squarespace évidemment.

  • Gestion de la société: J’utilise iCompta sur Mac pour éditer mes factures et suivre mes comptes, malheureusement la version iPad est une adaptation de la version Mac, à l’interface inutilement compliquée pour un iPad, et ne me sert donc qu’en appoint quand je n’ai vraiment pas le choix. La synchronisation est également mal fichue car pas automatique, ce qui génère parfois des conflits et pose un vrai souci quand on doit suivre ses paiements... Encore une fois, je cherche mieux, mais ça n’est pas évident vu que la version Mac est particulièrement efficace.

  • Négociation: Je peux présenter facilement mon travail avec l’application Portfolio de Squarespace, prendre des notes, gérer mes e-mails et mes rendez-vous avec les applications par défaut de l’iPad, sur ces points c’est du tout bon.

Première conclusion - Juin 2017

L’iPad est plein de promesses encore non tenues à l’epoque où j’ecris ces lignes, mais je reste optimiste pour l’avenir. Points à améliorer en priorité: gestion des fichiers et gestion de la facturation. Je ferai des suites à cet article, stay tuned.