Le vrai concurrent dans mon métier, c'est très rarement l'autre photographe. A tarif relativement égal, le choix se fait en général sur un coup de coeur par rapport au travail et sur un ressenti au moment de se rencontrer, pas sur une centaine d'euros de différence qu'on aura vite oublié à la réception de son album.
Non, le vrai concurrent, c'est la famille. L'oncle, le frère, le petit cousin passionné de photo "qui possède un reflex" et qui rêve d'une occasion de montrer ce dont il est capable, quitte à le faire gratuitement pour se construire un portfolio. L'enthousiasme et la naïveté de celui qui n'a jamais fait, mais se croit capable de faire. Et pense qu'il pourra faire les photos et la fête en même temps. Il a tort, et les mariés qui envisagent cette option aussi.
Photographe, c'est un métier. Photographe d'évènements, c'est un métier différent. Passé les aspects techniques qu'on croit à tort maitriser à la perfection après toutes ces heures à regarder des vidéos sur Youtube (alors qu'on ne progresse réellement qu'en faisant les choses), il reste l'aspect artistique, la connaissance de ce qu'on photographie et l'expérience du photographe.
L'aspect artistique reste le plus galvaudé de tous. Ca a l'air facile de faire poser un couple pour des photos, mais c'est un art beaucoup plus humain que technique, parce que savoir cadrer et exposer ne sert à rien si vos photos ne laissent transparaitre aucune émotion. Connaitre les poses basiques, le type de photos qu'on maitrise parfaitement et qui constituent la base de sécurité des photos de couple, savoir quoi faire des bras qui pendouillent, et gérer la géométrie de la photo, contribuent à la constance dont il faut savoir faire preuve dans ce métier où on a pas le droit de se rater un mauvais jour.
La connaissance de ce qu'on photographie est l'aspect le plus négligé, surtout par les semi-professionnels. Savoir que dans un mariage juif, c'est la bague au doigt qui veut dire "oui", et ne pas rater ce moment, ou se renseigner avant et compulser des tonnes de photos et d'informations sur un rituel qu'on ne connait pas (j'ai eu à photographier un mariage Grec Orthodoxe une fois, j'ai passé des heures à chercher des informations et des exemples sur Internet, et j'ai pris rendez-vous avant le mariage avec l'officiant pour qu'il m'explique tout en détails). C'est penser à demander aux mariés les informations sur leurs familles avant le mariage, pour savoir qui est qui et éviter les impairs le jour J.
L'expérience, c'est l'habitude de faire ce type de photos, savoir faire attention à certains détails et se positionner correctement pour certaines occasions. Avoir essayé plein de variantes quand un marié brise le verre, et avoir décidé que le meilleur emplacement pour faire la photo est d'en bas, près du verre. Savoir qu'un enfant sera béni pendant une brit-milah et se positionner de manière à le voir couvert par les mains à ce moment-là. Savoir qu'un incident technique peut ruiner vos photos et donc avoir deux appareils, qui contiennent chacun deux cartes, et de faire deux sauvegardes rangées à deux endroits différents au moment de rentrer, pour ne pas tout perdre stupidement en se faisant voler son sac. C'est aussi faire attention à son arrière plan pour ne pas cadrer une poubelle verte ou un clochard en rouge qui attire l'oeil derrière les mariés. Ou aller discuter avec l'officiant avant la cérémonie pour se coordonner, définir les limites de chacun, et lui rappeler que les photos aussi sont importantes.
L'expérience technique, c'est d'avoir déjà fait tout ça et de ne pas découvrir son flash le Jour J, pendant la danse, avant de réaliser qu'on n'a pas la moindre idée de comment il fonctionne en plein milieu de l'évènement. C'est connaitre son matériel et ses limites sur le bout des doigts pour ne pas réaliser, après coup, que le petit reflex acheté en kit à 600€ produit des images très sales au delà de ISO 800, ou penser qu'on peut tout faire avec un appareil APS-C et une lentille 50mm qui correspondra à une lentille de portrait sur cet appareil précis (Si pour vous je viens de parler en chinois, ça veut dire que vous n'aurez aucun plan large de votre journée, que des gros plans, parce que notre photographe amateur se sera laissé convaincre d'acheter une lentille de "super qualité" pas chère du tout). C'est surtout savoir précisément à l'avance ce que la combinaison de matériel qu'on a dans la main va donner, avant même de cadrer la photo, et être capable de la faire sans regarder dans le viseur.
Sur le papier, ça a l'air d'une bonne idée d'économiser le prix du photographe, après tout ce n'est que des photos, tout le monde en fait. Dans les fait, c'est souvent une catastrophe, et dans tous les cas, la photo sur la cheminée n'aura pas la même gueule selon qu'elle est faite par un pro ou un amateur, qui n'aura pas fait attention à la poubelle verte juste derrière la tête de la mariée et qui sera, une fois que vous l'aurez repérée, la seule chose que vous verrez sur cette photo de votre mariage, sur votre cheminée...